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     [ ce texte mérite une explication que j'ai omise...alors je répare mon erreur... 

    L'idée de Jean Tardieu est que la situation de commnication peut dépasser le sens des mots.

    Du coup, par une mise en scène et des situations convenues,

    comme, tout particulièrement dans le théâtre de boulevard,

     

    -ici, l'arrivée inopinée du mari chez sa maîtresse,

    alors que sa propre épouse s'y trouve en visite de courtoisie -

     

    Tardieu ne joue que sur les phrases convenues et choisit d'utiliser "un mot pour un autre"

    jouant également sur les assonances et les paronymes.

    Évidemment, on reconstitue plus facilement le dialogue dans la situation théâtrale,

    dont le dialogue n'est pas pour être lu, mais être joué.

    Voili, voilou ! Merci à Mireille de m'avoir rappelée à plus de clarté :-) ] 

     

     

     

    À ce moment, la porte du fond s’entrouvre et l’on voit paraître dans l’entrebâillement la tête de Monsieur de Perleminouze avec son haut-de-forme et son monocle. Madame de Perleminouze l’aperçoit. Il est surpris au moment où il allait refermer la porte.

     

    MONSEUR DE PERLEMINOUZE, à part. Fiel !... Ma pitance !

     

    MADAME DE PERLEMINOUZE

    s’arrêtant de chanter

     

    Fiel!... Mon zébu !... (Avec sévérité .) Adalgonse, quoi, quoi, vous ici ? Comment êtes-vous bardé ?

     

    MONSEUR DE PERLEMINOUZE, désignant la porte.

     

    Mais par la douille !

     

    MADAME DE PERLEMINOUZE

    Et vous bardez souvent ici ?

     

    MONSEUR DE PERLEMINOUZE, embarrassé.

    Mais non, mon amie, ma palme... mon bizon. Je... j’espérais vous raviner... c’est pourquoi je suis bardé ! Je. . .

     

    MADAME DE PERLEMINOUZE

    Il suffit ! Je grippe tout ! C’était donc vous, le mystérieux sifflet dont elle était la mitaine et la sarcelle ! Vous, oui, vous qui veniez faire ici le mascaret, le beau boudin noir, le joli-pied, pendant que moi, moi, eh bien, je me ravaudais les palourdes à babiller mes pauvres tourteaux... (Les larmes dans la voix :) Allez ! .. Vous n’êtes qu’un. . .

     

    À ce moment, ne se doutant de rien, Madame revient

     

    MADAME, finissant de donner des ordres à la cantonade.

     

    Alors, Irma, c’est bien tondu, n’est-ce pas ? Deux petits dolmans au linon, des sweaters très glabres, avec du flou, une touque de ramiers sur du pacha et des petites glottes de sparadrap loti au frein... (Apercevant le comte. À part .) Fiel !. . . Mon lampion 

     

    Elle fait cependant bonne contenance. Elle va vers le comte, en exagérant son amabilité pour cacher son trouble.

     

    MADAME

     

    Quoi, vous ici, cher comte ? Quelle bonne tulipe ! Vous venez renflouer votre chère pitance ?... Mais comment donc êtes-vous bardé ?

     

    LE COMTE, affectant la désinvolture.

     

    Eh bien, oui, je bredouillais dans les garages, après ma séance au sleeping ; je me suis dit: Irène est sûrement chez sa farine. Je vais les susurrer toutes les deux !

     

       

    Jean Tardieu : Un mot pour un autre, in La comédie du langage

       

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    Photo Galatée, appareil lumix

     


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    Vous me demandez si vos vers sont bons. Vous me le demandez à moi.

    Vous l'avez déjà demandé à d'autres. Vous les envoyez aux revues.

    Vous les comparez à d'autres poèmes

     et vous vous alarmez quand certaines rédactions écartent vos essais poétiques.

    Désormais (puisque vous m'avez permis de vous conseiller),

    je vous prie de renoncer à tout cela.

    Votre regard est tourné vers le dehors ;

    c'est surtout cela que maintenant vous ne devez plus faire.

    Personne ne peut vous apporter conseil ou aide, personne.

    Il n'est qu'un seul chemin.

    Entrez en vous-même,

    cherchez le besoin qui vous fait écrire :

    examinez s'il pousse ses racines au profond de votre coeur.

    Confessez-vous à vous même : mourriez-vous s'il vous était défendu d'écrire ?

    Ceci surtout : demandez-vous à l'heure la plus silencieuse de votre nuit :

    "Suis-je vraiment contraint d'écrire ?"

    Creusez en vous-même vers la plus profonde réponse.

    Si cette réponse est affirmative,

    si vous ne pouvez faire front à une aussi grave question

    que par un fort et simple "Je dois",

    alors construisez votre vie selon cette nécessité.

    Votre vie, jusque dans son heure la plus indifférente, la plus vide,

    doit devenir signe et témoin d'une telle poussée.

    Alors approchez de la nature.

    Essayez de dire, comme si vous étiez le premier homme,

    ce que vous voyez,

    ce que vous vivez, aimez, perdez.

     

     

     

    Rainer Maria Rilke, Lettres à un jeune poète, 1937, ed Grasset

     

     

     

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    Photo Galatée, appareil Lumix 

     

     

     

     


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    Le Chat sourit seulement 
    en voyant Alice.
    Elle pensa qu'il semblait avoir bon caractère.
    Cela étant,
    il avait de très longues griffes et des dents très nombreuses ,
    si bien qu'elle jugea qu'il devait être traité avec respect.
    "- Minet de Chester", commença-t-elle assez timidement,
    car elle ne savait pas du tout s'il apprécierait le nom.
    Cependant, il se contenta de sourire plus largement encore.
    "Continuons, jusqu'à présent il est content", pensa Alice.
    Et elle continua :
    "- Pourriez-vous me dire quel chemin je dois prendre ?
    - Cela dépend beaucoup d'où tu veux aller, dit le Chat.
    - Ça m'est un peu égal, où... dit Alice.
    Alors peu importe quel chemin tu prends, dit le Chat.
    - ... du moment que j'arrive quelque part,
    ajouta Alice en guise d'explication.
    - Oh ! Tu es sûre d'y parvenir, dit le Chat,
    si tu marches assez longtemps."


    Lewis Caroll, Alice au pays des merveilles

     


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    Galatée, appareil Lumix








    Addenda : blogueur, blogueuse, si tu ne connais pas Amelie, Amelia et l'oncle Waldo,
    les oies des Aristochats, c'est ici que ça se passe pour te rafraîchir la mémoire :










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    Un cri de douleur est le signe de la douleur qui le provoque.
    Mais un chant de douleur est à la fois la douleur elle-même et autre chose que la douleur. 
    Ou, si l'on veut adopter le vocabulaire existentialiste,
    c'est une douleur qui n'existe plus,
    qui est.
    Mais le peintre, direz-vous, s'il fait des maisons ?
    Eh bien, précisément, il en fait, c'est-à-dire qu'il crée une maison imaginaire sur la toile
    et non un signe de maison.
    Et la maison ainsi apparue conserve toute l'ambiguïté des maisons réelles.
    L'écrivain peut vous guider s'il décrit un taudis, y faire voir le symbole des injustices sociales,
    provoquer votre indignation.
    Le peintre est muet :
    il vous présente un taudis, c'est tout ;
    libre à vous d'y voir ce que vous voulez.
    Cette mansarde ne sera jamais le symbole de la misère ; 
    il faudrait pour cela qu'elle fût signe, alors qu'elle est chose. (...)
    Et pourtant quelque chose est dit
    qu'on ne peut jamais tout à fait entendre
    et qu'il faudrait une infinité de mots pour exprimer.

     

    Jean-Paul Sartre, Qu'est-ce que la littérature ?

     



     

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    Galatée, appareil Lumix



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    Compte rendu sportif de poésie

     

    Un mot vient de prendre la tête.
    Un verbe le suit de près et oblige à la pose du point final. Mais non ! Mais non !
    Une simple lettre accourt vaincre la majuscule. Le point se sauve.
    Dans une échappée magnifique une virgule remonte. Le vide ne bouge pas au centre.
    Aussitôt le mot de tête l'a vu. Il ne se trouvait pas où il devrait être.
    Il pousse les syllabes à une manoeuvre tournante qui se change en offensive,
    offensive à laquelle personne ne pouvait s'attendre et qui oblige le rejet à perdre l'équilibre.
    Il tombe, entraînant toute la strophe dans sa chute.
    Véritable bagarre d'où le mot supprimé s'élance et détermine les autres à se relever
    et à se précipiter avant que le mot de tête ne s'en aperçoive.
    Le mot supprimé passe à gauche
    et l'arbitre annonce un coup franc au bénéfice d'une rime qui semblait faiblir.
    Elle retrouve sa forme.
    Malheureusement elle passe trop haut
    et la reprise entraîne les adjectifs
    qui attendaient une occasion de jouer un rôle dans la partie.



    Jean Cocteau, Appogiatures  (Ed. du rocher, Monaco, 1953)

     


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                                                                 Galatée, appareil Lumix




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